Les Alpha Juno 1 & 2 sont de petits synthétiseurs que personnellement je trouve assez amusants. Ce sont des claviers très bas de gamme mais en mesure de procurer des sons variés notamment des graves assez 'gras' très typés analogique avec pourtant un seul DCO par voix, même si mis à part la section VCF, le reste de l'architecture est digitale.
Deux versions : 49 touches pour le modèle 1, 61 pour le modèle 2. Plus d'informations
ici.
Ayant visité il y a quelques années le musée de la Poste à Paris, j'avais découvert à cette occasion à la 'rubrique' dessins animés et bruitages, un Alpha Juno 1 exposé en vitrine. Je m'étais dit, à l'occasion....
Et l'occasion s'est présentée. Une petite annonce d'un Alpha Juno 2 à prix très bas pour cause de clavier présentant quelques dysfonctionnement de touches.
Ce petit synthétiseur m'a été,
la aussi, expédié par la poste. A la réception j'ai pu découvrir les dégâts infligés à l'appareil par cette 'médiocre institution'. Les bords inférieurs gauche et droit étaient enfoncés, la tôle de l'appareil carrément emboutie malgré un empaquetage très correcte. A l'évidence, le paquet à subi une chute, sinon des chutes, d'une hauteur certaine. J'ai cependant pu rétablir à peu près la situation, il ne subsiste qu'une légère trace de plastique cassé sur le bord droit.
La réparation du clavier n'a présenté aucune difficulté. Il s'agit d'un problème bien connu qui nécessite le démontage complet de toutes les touches et le nettoyage du système de contact, avec remise en bonne place de la bande de caoutchouc.
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http://studiorepair.com |
Et c'est tout?
Effectivement, quel intérêt de présenter un tel sujet disponible à l'envie sur Internet! Et bien parce que l'histoire continue...
Et l'histoire, c'est celle de la pile. Parce qu'elle ne semble pas avoir été remplacée. Et après 30 années de service, il n'est pas incongru de penser qu'il se pourrait bien qu'une fuite d'électrolyte ne vienne perturber, à terme, le bon fonctionnement de l'appareil. Je la retire donc :
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Le côté visible ne semble pas.... |
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Alors que l'autre face présente de belles traces blanches de début de fuite. |
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Avec ce genre d'appareil électronique, c'est souvent la même histoire. Une pile conserve la mémoire de donnée, présente sous la forme d'une ou de plusieurs RAM statiques de 2, 8 ou 32Koctets. Ici, c'est un seul boîtier RAM de 2Koctets :
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Une TC5517APL de 2Koctets de Toshiba. |
Évidemment, il 'serait' simple de remplacer cette pile. Je pense que lorsqu'il est possible de faire mieux, autant le faire. Je décide donc de remplacer cette RAM de 2Koctets par une version auto-sauvegardée et totalement compatible avec le type de mémoire d'origine. Pour cela j'ai développé il y a déjà quelques mois, un ensemble de circuits de
substitution :
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Version 2 et 32Ko. |
Pour commencer, il convient donc de retirer le circuit RAM d'origine et de le remplacer par un support de circuit :
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Ça, c'est fait! |
Puis, d'y placer le circuit de RAM auto-sauvegardée :
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Il n'y a plus qu'à tester... |
Tester de suite? Pas encore. La RAM statique de substitution réclame réellement une alimentation de 5V pour fonctionner correctement. Plus exactement, et du fait du système de sauvegarde employé sur cette nouvelle RAM, pour effectuer sa sauvegarde. La présence de deux diodes sur le circuit imprimé suggère un système classique d'alimentation par deux sources, la batterie OU l'alimentation principale de 5V, ce que confirme le schéma :
J'ai donc relié la patte d'alimentation de la RAM directement au 5V, en court-circuitant la diode D14. Et voilà!
Après avoir rechargé la RAM avec un PC en sysex, j'ai retrouvé les sonorités précédemment sauvegardées de cet Alpha Juno 2.
Note possiblement importante : Chaque démarrage de l'Alpha Juno avec la nouvelle RAM fraîchement installée, et donc vierge, provoque le message suivant sur son afficheur : "
Check Battery". Un
RESET du système doit être effectué. L'opération consiste en (copié des commentaires du site de Jim Atwood) :
1) The Alpha Juno 2 must be powered off.
2) The Memory Protect switch must be off.
3) While holding down the PORTAMENTO and DATA TRANSFER buttons, turn on the power.
4) Release the buttons.
5) The display will show something like “Initlz Funct RAM”
6) Turn the power off.
7) Turn the power on.
Une traduction en français ne s'impose pas j'imagine ;-)
Au remontage physique de l'Alpha Juno : pas de chance, la nouvelle RAM installée sur le support de circuit intégré dépasse la hauteur de la ROM de 2 à 3mm. Ce qui provoque non seulement le contact entre les broches du circuit imprimé de la RAM et le châssis métallique du clavier, mais aussi une flexion du circuit imprimé.
Une solution simple pour remédier à ce problème eût été de coller un bout de carton sur le circuit additionnel. J'ai préféré dessouder le support de circuit intégré de la carte du Juno et y souder directement le circuit de la nouvelle RAM. Dès lors le remontage s'est effectué normalement.
Que reste-t-il à faire sur ce synthé? Le changement de son afficheur. Le rétro-éclairage d'origine ne fonctionne plus. J'ai donc commandé le même type d'afficheur, mais à rétro-éclairage LED. 'Normalement' ce nouvel afficheur 'devrait' être compatible avec l'ancien. Sinon, il risque d'y avoir le même problème que celui rencontré par Jeroen Oldenhauf lors du remplacement de l’afficheur d'origine pas un modèle
OLED en principe compatible!
Et pour finir ce billet : les machines développées jusque pendant les années 80 étaient habituellement fournies AVEC le schéma du système l'électronique et mécanique. Heureusement car aujourd'hui il serait souvent bien difficile de les maintenir en état de marche. Et pourtant, le concept même d'
Open Hardware n'existait pas. Tout pouvait donc être copié. Des idées étaient certainement reprises mais est-ce un mal? non sans doute parce que cela oblige à toujours plus d'inventivité. Les constructeurs qui ont fermé leur porte ont été poussés à la sortie certainement pour d'autres raisons qu'une copie illicite ayant cassé leur marché.
Plus significatif encore, le fait d'avoir publié les schémas et parfois les caractéristiques des systèmes logiciels à permis et permet toujours à des passionnés de créer des modifications matérielles et/ou logicielles dont le but est d'améliorer les caractéristiques d'origine des appareils. Et oui, tout cela à bien changé. Que faire de ce super téléphone acheté fort cher, dont la batterie n'est même pas remplaçable sans détérioration de l'appareil? Il ne s'agit même plus d'obsolescence programmée mais de fabrication et donc d'achat de déchets neuf! Quelle valeur peut avoir un déchet neuf, hein, monsieur Apple ou monsieur Samsung?...
A suivre pour la mise en place du nouvel afficheur...
Quelques jours plus tard...
J'ai reçu un 'certain nombre' d'afficheurs en version 1 ligne de 16 caractères. Afin de tester un de ces exemplaires sur l'Alpha Juno 2, il bien il convient de commencer par retirer 'l'ancien' système d'affichage.
Il faut donc retirer l'afficheur, évidemment, mais aussi la partie génération de la haute tension du rétro-éclairage par film qui ne sera plus nécessaire puisque le nouvel afficheur possède un rétro-éclairage à LED, ainsi que la résistance qui fixe la tension de polarisation du LCD. Une fois le tout retiré, cela donne tout d'abord ceci :
Sur cette image est aussi présent le transistor oscillateur nécessaire à la mise en fonction du transformateur haute tension. Je lui ai pris deux pattes pour effectuer un pont sur la carte d'alimentation. En partie basse, le nouvel afficheur.
J'ai dessoudé aussi de l'ancien afficheur le connecteur pour câble plat, et l'ai ressoudé sur le nouvel afficheur. Ce qui m'a permis de monter le nouvel écran directement sur l'Apha Juno puisque les quotes sont identiques. Sauf l'épaisseur. Le rétro-éclairage LED demande plus de place que celui par film. J'ai donc du trouver quatre vis un peu plus longues pour fixer l'écran :
Il est juste nécessaire de ne pas visser trop fort les vis. Le modèle choisi, auto-taraudeuse, se bloque sans risque de dévissage : parfait. J'ai aussi réutilisé le câble du rétro-éclairage pour le connecter au nouvel afficheur. Sur l'alimentation, les modifications nécessaires sont peu nombreuses et faciles à réaliser :
Le transformateur haute tension a disparu, ainsi que son transistor de commande, situé juste en dessous. Accessoirement, le Juno ne produira plus non-plus ce bruit strident d'alimentation à découpage. Ça n'est pas un mal! Le connecteur CN2 ne transporte plus la haute tension, mais le 5V. Pour des raisons de commodité, le fil noir véhicule le +5V alors que le blanc est maintenant la masse. En fait, la broche du fil blanc est déjà connectée à la masse sur l'alimentation. Je me suis juste servi des deux pattes du transistor pour relier le +5V passant à proximité à la deuxième broche du connecteur, celle ou s'enfiche le fil noir.
Vient le moment tant attendu : le test...
Quasiment comme l'original! Et du plus bel effet sur ce synthétiseur. En fait je triche un peu. Le 'vrai' premier test s'est soldé par un afficheur n'affichant rien. Avant de soupçonner une erreur de ma part (j'avais quand même bien tout vérifié avant), ou un problème de protocole, j'ai décidé de m'occuper de la tension de polarisation. J'avais dans l'idée qu'elle ne devait pas être correcte pour ce nouvel afficheur. Voici ce que dit le schéma de l'appareil :
C'est une résistance de 5,6KOhms qui règle la tension de polarisation du système d'origine. Système un peu 'baroque' puisque c'est en fonction de l'intensité réclamée par le système de polarisation de l'ancien afficheur, que la résistance a été calculée. Bref, pour faire simple, j'ai ôté cette résistance, référencée R66 sur le circuit imprimé, et l'ai remplacée par un trimer 10 tours de 10KOhms. Une des pattes de ce trimmer est directement relié au pad GND ou était auparavant la résistance, le 'curseur' du trimmer relié lui, à l'autre côté de la résistance d'origine, directement à la patte 55 du connecteur LCD de la carte mère. Quant au +5V, je l'ai pris sur la patte d'alimentation d'un circuit intégré logique, et l'ai relié à la troisième patte du trimmer, comme ceci :
Le système n'est pas inesthétique et la vis du trimmer m'a permis de régler avec précision le contraste du nouvel afficheur. En fonctionnement normal, il n'y a aucun problème d'affichage. cet afficheur semble donc parfaitement compatible avec celui d'origine :
Voilà, tout simplement! ATTENTION : la source lumineuse de la LED sur le côté droit de l'afficheur ne se distingue absolument pas en utilisation normale. L'effet d'intensité sur l'image est du au capteur de l'appareil photo.
En résumé, sur cet Alpha Juno 2 les opérations effectuées ont été les suivantes :
- Effacement (réussi) des dégâts infligés à la caisse par la poste (~30mn).
- Nettoyage du clavier, ce qui implique son démontage/remontage total (~90mn).
- Remplacement (démontage/remontage) de la RAM statique d'origine et suppression de la pile (~90mn).
- Remplacement de l'afficheur (~90mn en comptant aussi le temps passé sur Internet pour trouver un modèle adéquate).
- Démontage/remontage de la machine (~25mn).
Cela représente plus de cinq heures de travail sur la machine, et 'thanks to' le système redistributif dont est pourvu le pays et les ponctions obligatoires auquel le travail est sujet pour proroger sa survie, cela revient à un coût 'réel' de 300 à 400€ pour une rétribution net d'à peu près 15€ de l'heure. La cote d'un tel Alpha Juno est d'environ 250€ en état de fonctionnement. Seule la réparation des touches défectueuses du clavier et le simple remplacement de la pile semblent donc être des opérations pertinentes. Les améliorations apportées, bien que très intéressantes ne sont clairement pas rentables d'un point de vue économique. Dommage, la machine est maintenant plus 'robuste' qu'avant, et ce doublement de temps de travail pourrait générer des emplois. Question de choix de société!
30 Août 2016 : Après quelques jours d'utilisation, je trouve ce petit synthétiseur vraiment sympa à utiliser, et capable de produire des son très intéressants. Mais, comme souvent avec ce que je considère être la 'mauvaise' utilisation du numérique, programmer cet appareil n'est vraiment pas pratique. Trouver un PG300 à prix 'raisonnable' n'étant pas simple non plus, j'ai décidé de tenter la création d'un programmateur externe dédié à l'aide d'un afficheur graphique tactile. L'interface graphique devrait ressembler à ça :
J'ai déjà pu transférer cette interface dans l'afficheur et tester le fonctionnement des différents curseurs avec succès. Il me faut maintenant développer une petite carte processeur d'adaptation pour convertir les données de cette interface en Sysex sur liaison M.I.D.I. Peut-être l'occasion d'utiliser un processeur ARM équipé d'un nombre suffisant de ports série.
Touche finale : je possède quelques afficheurs neufs pour ce type de synthés. Si un exemplaire vous intéresse :