mardi 18 février 2020

Réparation DAC ORELLE DA-180

Changement de sujet, cette fois il ne s'agit pas de dépannage d'un quelconque instrument de musique électronique mais tout simplement d'un DAC Orelle. Cela reste cependant dans le domaine de l'audio.

Il y a quelques jours de cela, j'ai vu passer une petite annonce concernant ce DAC en panne, à prix intéressant :


Après avoir effectué quelques recherches sur la toile, j'ai vite compris qu'il s'agissait d'un appareil du même type que celui que j'ai personnellement construit dans ces années là. Ce DAC date de 1993. J'ai, quant moi, réalisé à peu près le même appareil en 1994. Le début des années 90 marque à mon sens l'apogée des réalisations en audio numérique. Cela faisait une bonne dizaine d'années que la technologie ne cessait d'évoluer pour arriver à des composants de très bonne qualité et faciles à utiliser.

Depuis, la fréquence d'échantillonnage et le nombre de bis n'ont cessé d'évoluer pour des arguments bien plus commerciaux que de qualité. Il restera toujours l'appréciation subjective de la qualité du filtre numérique de construction : ca n'est pas le sujet. Tant que le standard du CD audio restera à 44,1KHz, il en sera ainsi.

Ce DAC utilise un récepteur SPDIF Yamaha YM3623B suivi d'un filtre de sur-échantillonnage toujours de chez Yamaha, le YM3434. Le convertisseur numérique/analogique est, quant à lui, un AD1864 traitant simultanément les deux voies audio. La chaîne de traitement audio que j'avais utilisé dans mon DAC se constituait aussi d'un YM3623B mais suivit d'un filtre DF1700P de chez Burr-Brown puis d'une paire d'AD1862, la aussi de chez Analog Device. Le tout pour un traitement final en 20 bits, alors que ce DAC Orelle dispose d'un convertisseur final de 18 bits.

Les deux appareils sont donc semblables.

Le DIR, le filtre et le convertisseur N/A

Pour en revenir au DAC Orelle, dès son allumage, j'ai été gratifié d'une belle nappe de fumée blanche typique d'un condensateur consumé. Je m'y attendais un peu car dès la première inspection de la carte électronique, j'avais constaté qu'il restai quelques condensateurs au tantale. Ils sont faciles à repérer avec leur forme de goutte et leur couleur orange. Une fois la fumée dissipée, j'ai pu effectivement constater les dégâts :


Ce type de condensateur n'explose pas mais se consumme simplement. Les fumées sont bien évidemment toxiques, il faut donc éviter de les respirer. Bien que les alimentations régulées de certaines parties de l'appareil étaient devenues potentiellement moins fiables, j'ai quand même allumé de nouveau l'appareil pour vérifier si certains composants chauffaient plus que de raison. A ce stade je n'ai rien constaté de dramatique.

Je n'ai pas poussé plus loin les tests et ai décidé en premier lieu de changer tous les condensateurs restant au tantale, ainsi que ceux qui avaient été précédemment remplacés.

J'ai donc placé des condensateurs standards électrolytique mais non polarisés. Le résultat donne ce nouvel aspect :

Plus de couleur orange sur la carte!
J'ai aussi retravaillé un bon nombre de soudures des régulateurs de tension. Lors de précédents dépannages, un bon nombre d'entre eux à été changé. Comme souvent, la personne ayant travaillé sur ce système n'était sans doute pas en mesure de détecter l'origine potentielle du dysfonctionnement. L'attitude par défaut a donc consisté à changer les régulateurs en même temps qu'une partie des condensateurs au Tantale. Le filtre numérique a lui aussi été dessoudé. Je ne sais pas s'il la été remplacé mais, comme il nétait pas correctement remis en place, je l'ai de nouveau dessoudé et ai placé un support de circuit au cas ou il faudrait le remplacer. Le résultat des tests consécutifs aux premières tentatives de dépannage ayant été négatifs, l'appareil a été remisé en l'état.

Sans plus de préparation que cela de m'a part, j'ai donc rebranché ce DAC sur le secteur, l'ai allumé et ai contrôlé quelques signaux à l'oscilloscope. L'ensemble des circuits semblait fonctionner normalement. Les tensions d'alimentation étaient aussi celles attendues. J'ai donc connecté ce DAC sur une source SPDIF. Quelques secondes plus tard j'entendais le relai de connexion des sorties s'activer en même temps qu'un signal sonore sortait de mes enceintes de test. Après quelques heures de fonctionnement, ce DAC ne présente aucun problème.

Test de fonctionnement...
Au final, hormis le problème des condensateurs de découplage au Tantale, je ne vois pas vraiment ce qui à pu causer le dysfonctionnement de cet appareil.

La construction de ce DAC est vraiment bien pensée (hormis les condensateurs au Tantale qu'il ne faut jamais utiliser). Le circuit imprimé est de très bonne facture et bien réalisé. La distribution des alimentations est efficace. Des transformateurs distincts ont été utilisés pour la partie numérique et la partie analogique. Le boitier, enfin, est en aluminium. Force est de constater que son aspect tant extérieur qu'intérieur ainsi que son vieillissement dans le temps est bien meilleur qu'un boîtier identique en métal zingué. De plus, et contrairement à nombre de DAC dits 'de haut de gamme', il n'a pas été fait ici d'usage disproportionné d'épaisseur d'aluminium comme l'on peut trouver sur certaines face avants : ridicule mais commercialement efficace.

A ce propos, le désintéressement pour ce type d'appareil a été concomitant à l'apparition, à partir du milieu des années 90, de circuits intégrés proposant toujours plus de bits de résolution associé à des fréquences d'échantillonnage stratosphériques pour un prix toujours plus bas. Cette guerre aux chiffres et l'inflation de l'épaisseur des faces avant ne sert évidemment que l'intérêt des commerciaux face à des acheteurs naïfs. Pour la qualité sonore, le sujet ne se quantifie pas seulement à des données objectives et, mises à part quelques règles de base qui doivent être respectées lors du développement de ce genre d'équipement, est plus affaire de gout personnel et de règles de 'savoir vivre' audio.

Mis à part la tentative du SACD dont personnellement je n'entends plus parler depuis déjà for longtemps, l'accent semble se porter dorénavant sur le caractère 'artisanal' de ce genre de réalisation. Je pense qu'il est temps pour moi de reconsidérer l'appareil que j'ai créé en 1994 en lui ajoutant cette fois un caractère bien personnel! Je ne vois en effet aucun intérêt à reconstruire un DAC avec des convertisseurs aseptisés disponibles en quantité pour moins d' un Euro!

Pour compléter quelque peu ce petit sujet, certains constructeurs de DACs se sont mis à installer des tubes électroniques dans leur réalisation pour ajouter ce 'fameux' effet tube au rendu sonore. Personnellement je trouve cette pratique quelque peu douteuse, mais bon, commercialement cela permet de faire du lourd et donc de vendre à un prix bien plus élevé un appareil qui donnera peu ou prou les mêmes résultats que le DAC Orelle ci-dessus.

Un bel exemple de ce type de réalisation est le Tri-Vista 21 de Musical Fidelity. Ce DAC est parfaitement étudié et réalisé et donne, je n'en doute pas, un rendu sonore exceptionnel :


On reconnait l'architecture de la machine, qui ressemble à bien des égards à celle du DAC Orelle, mais en beaucoup plus imposant. Je n'ai l'ai pas eu entre les mains,  mais c'est assez amusant de constater que les deux gros transformateurs à l'avant plan semblent ne pas être des transformateurs haute tension imposés par l'utilisation de tubes électroniques (qui semblent fonctionner en basse tension), mais des selfs de filtrage de l'alimentation symétrique de la partie analogique de ce DAC. Du vraiment lourd donc!


lundi 17 février 2020

Au chevet d'un EMUIII.

Dans la série des dépannages, après avoir traité récemment deux SP12 dont une pour laquelle il me reste encore du travail de nettoyage sur les switchs du panneau de commande, j'ai attaqué le dépannage d'un EMUIII :


Ce la ne fait aucun doute, c'était une belle machine à l'époque, et cela reste une belle machine. L'exemplaire qui m'a été donné pour auscultation présente deux voies qui produisent un bruit de fond indiquant un réel problème. La machine est bien construite, dans l'idée. Malheureusement, quelques bricolages ont été nécessaires  pour que la 'belle' étude de départ se concrétise. Rien de scandaleux, mais du coup, quelques câbles et autres nappes empêchent un démontage du rack de carte comme prévu initialement par le constructeur.

Pour tester les voies, à l'origine il était prévu une carte d'extension de bus permettant de sortir les cartes hors du panier, tout en ayant la possibilité de les faire fonctionner normalement afin d'avoir accès aux différents composants. Inutile de compter se procurer ce type de carte. Il faut donc procéder à l'ancienne tout simplement en intervertissant les composants de la voie défectueuse avec ceux d'une voie fonctionnelle, jusqu'à trouver le composant responsable du bruit.

L'EMUIII comporte deux cartes électroniques hébergeant huit sorties audio chacune :

Une carte 8 voies.
Mauvaise surprise, bien que la plupart des composants principaux soient sur support, les convertisseurs numériques/analogiques sont directement soudés sur le circuit imprimé. Dans l'idée, le type de bruit généré par les voies défectueuses me semble être de type numérique. Je ne pense pas que ce soit un problème analogique. Par le passé j'ai déjà eu quelques problèmes avec ces DAC de type PCM53/54/55. Avant toute chose, il me semblait donc important de placer les deux DAC supposés défectueux sur support. Opération dessoudage et soudage de supports de circuits intégrés :

Dessoudage.

Mise en place d'un support de circuits intégré.
Bien évidemment, je possédais des PCM54, mais pas de PCM53. Comme je préfère ne pas trop 'chatouiller' des composants fonctionnels, j'en ai commandé auprès de mes sources fiables habituelles. Rien de tel que de commander ces composants avant les vacances de Noël, cela leur permettra d'arriver à destination pendant mon absence!


Et pendant ce temps-là, la machine attend patiemment la reprise des interventions de dépannage. Evidemment, la vue 'éclatée' n'est pas spécialement 'sexy' :

Et en plus, il faut de la place pour stocker ce genre de machine dans cet état.

Grâce aux innombrables sources d'approvisionnement possibles sur Internet, au bout d'un certain temps, me sont parvenus quelques exemplaires de PCM53JP. Les PCM présents d'origine dans l'EMUIII sont référencés de façon 'anormale', laissant penser qu'il a pu s'agir d'une version spécialement produite pour EMU.

Cette fois-ci avec un PCM réputé fonctionnel.
J'ai aussi du traiter un des canaux de l'autre carte de conversion qui présentait le même problème. Aucune difficulté particulière. Puis la machine a enfin pu être remontée. Assez difficilement quand même parce que les guides du panier de cartes se sont déformés avec le temps et la chaleur, de sorte qu'il n'est pas particulièrement évident d'arriver à ré-insérer correctement les cartes dans le bus fond de panier.

Lors de cette manipulation, j'imagine qu'une torsion sur la carte processeur a amené un des contacts du circuit de gestion du bus SCSI à ne plus être établi avec son support. Les supports de circuits intégrés utilisés étant des modèles double lyres, avec le temps la aussi, il peut arriver que de l'oxydation se dépose sur les contacts, et que le simple fait de bouger une patte du circuit dans le support, l'amène à se 'décoller' du petit contact qui restait, et donc à ne plus être réellement en contact, alors que le circuit semble toujours correctement inséré dans son support. Bref, le résultat a hélas été gênant puisque le circuit en question a tout simplement 'grillé'.

Cela n'arrive pas souvent, mais comme d'habitude cette mésaventure m'est arrivée au plus mauvais moment. C'est à dire lorsque j'avais tout remonté. Il m'a donc fallu démonter de nouveau pas mal d'éléments de la machine pour effectuer le dépistage de ce nouveau problème, puis sa réparation en remplaçant le circuit par un exemplaire que je possédais en stock après avoir dépanné un Studio 440 de Séquential Circuits.

Enfin, quand tout fût testé et fonctionnel, j'ai pu remonter la coque de la machine. Le propriétaire à donc pu constater la disparition du problème de distorsion sur les deux voies et repartir heureux avec son EIII!

La machine réelle une fois remontée et testée.

Pour l'anecdote : l'EMUIII a été élaboré autour d'un processeur 16 bits puissant de l'époque. Non, il ne s'agit pas du 68000 mais du NS32016 de National Semi Conductor. Hormis quelques systèmes informatiques qui ont utilisé ce type de processeur, il semble que l'EMUIII soit le seul exemple de machine dédiée, c'est à dire pas un ordinateur en tant que tel, qui ait jamais été développé autour de cette famille de processeurs. En ce sens, l'EMUIII représente aussi un vrai intérêt patrimonial.

Autre anecdote : le processeur NS32016  possède quelques bugs. Comme tout processeur sans doute, mais visiblement en plus grand nombre que la moyenne de l'époque. EMU s'en est donc bien sorti avec ce système puisque l'EMUIII n'a jamais présenté de bugs de fonctionnement.

Pour plus d'informations à ce sujet, je vous invite à visiter le site de Udo Möller à cet endroit : www.cpu-ns32k.net/. Vous y trouverez pléthore d'informations sur ce processeur ainsi que l'utilisation qui en a été faite dans l'EMUIII.


Dernier mot : l'ensemble des cartes de cette machine pourrait aujourd'hui être contenu dans un processeur embarqué rapide de type ARM que l'on trouve chez STmicro par exemple. Peut-être épaulé d'un petit FPGA pour les entrées/sorties et l'adressage des multiples convertisseurs. Le tout pour quelques dizaines d'Euros. La machine ne présente donc en principe plus aucun intérêt. Si ce n'est qu'elle fonctionne toujours très bien, et que ses prestations sont et seront toujours très honorables. Raison pour laquelle il demeure important de sauver ce type de matériel!