vendredi 29 août 2014

Audio HiFi, développement durable et réparations : lecteur CD mission Cyrus DAD3 et DAC Q7

En matière de Haute fidélité, le choix en appareil se trouve aujourd'hui bien limité. Le cas des lecteurs de CD audio est assez représentatif de la situation. Il n'existe plus aujourd'hui que du matériel relativement bas de gamme incapable de concurrencer ce qui se faisait à une certaine époque dans le milieu de gamme, ou alors du très haut de gamme qui ne présente réellement que peu d'intérêt si l'on s'en tient à l'objectif simple d'une bonne reproduction sonore. Comme me le rapportait il y a peu de temps une amie désireuse de s'équiper en matériel digne de ce nom : "il n'y a plus de moyenne gamme". A cela je rajouterais que les quelques matériels disponibles ne sont en plus pas très esthétiques!

Il y a bien longtemps que j'ai constaté ce phénomène. Et puis, sur la simple envie de 'tenter' un appareil au design non conventionnel, j'ai craqué pour un lecteur au boitier atypique, un Cyrus Mission DAD3 que j'ai acquis pour la 'modeste' somme de 100€ en occasion... et en panne.

Le lecteur CD, une fois dépanné, non sans difficultés.

Mise en situation : d'après l'ancien propriétaire, le lecteur à commencé à présenter des problèmes à l'ouverture et la fermeture du tiroir CD. Ce phénomène s'était déjà présenté quelques années auparavant et avait été réglé. Mais cette fois, le service de dépannage n'a rien pu faire et pire, la situation s'est dégradée puisque la machine ne démarre plus du tout. Lors de la transaction d'achat, le vendeur me prévient donc que l'appareil est parti en dépannage, qu'il y a eu une assez grosse intervention à l'intérieur et que plus rien ne fonctionne. Je tente quand même le coup.

Je démonte la machine. Elle semble bien construite mais pas spécialement facile d'accès. Les nombreuses interventions que j'aurai à effectuer pour résoudre de façon définitive les différents problèmes ne feront que confirmer ma première impression.

Image prise en cours de dépannage.

La carte mère présente bien et se compose de quatre parties distinctes :

Blocs fonctionnels de la carte mère du lecteur.

Le module DAC se présente sous l'aspect d'un bloc compacte muni de connecteurs sous sa partie inférieur se logeant directement sur ceux de la carte mère. De ce fait, ce module peut être retiré pour un travail plus aisé sur le circuit imprimé principal.
Je démonte donc totalement la machine et dépose le circuit imprimé principal sur le plan de travail et commence mes investigations. Effectivement, mis à part le rétro-éclairage de l'affichage, rien ne se passe à l'écran!

La petite LED verte clignote de façon erratique passant par moment au rouge.

Le comportement général de la carte, et à la faveur du comportement étrange de la LED verte, me fait immédiatement penser à un fonctionnement sous l'emprise d'un processeur ayant largement abusé de substances alcoolisées! Commence alors un long moment de test à l'oscilloscope des signaux du processeur de type 68HC11 dont la documentation est très facile à trouver sur le Net. Certains signaux me semblent effectivement étranges, non pas en terme de forme, mais plus sur leur timing. Passé un certain temps à me questionner sur la raison de ce comportement, et ne voyant rien d'autre qu'un problème potentiellement grave, processeur défectueux, ROM défectueuse ou partiellement effacée, composants annexes posant problèmes, je décide de tenter la méthode Coué avant d'envisager les très gros travaux. Sachant qu'il s'agit d'une machine déjà assez âgée et après avoir vérifié que les tensions de la section processeur étaient correctes, je décide donc de faire subir quelques contraintes mécaniques au circuit, histoire de voire :

Bonne pioche?

En appuyant du côté du processeur, je constate que le système démarre. C'est un bon début. Muni d'un stylo de flux pour soudures, je refais les soudures des cinq circuit intégrés en boitier CMS constituant la partie gestion du lecteur. La machine semble fonctionner maintenant de façon correcte.
Je m'attaque donc à la partie gestion de l'ouverture/fermeture du tiroir. Facile, les précédentes personnes ayant œuvré sur la machine ont carrément retiré les quatre transistors constituant le pont en H de puissance, destiné à alimenter le moteur du tiroir.

Les quatre transistors manquant.

La solution la plus évidente pour régler le problème de ce pont en H aurait été de placer quatre nouveaux transistors à l'endroit d'origine. D'une part je ne savais pas de quel types de transistors il s'agissait, à la base sans doute de simples bipolaires NPN et/ou PNP, mais surtout s'agissant de composant CMS très petits, la difficulté potentielle de soudure et surtout de nouvelle intervention en cas de problème, m'a fait préférer une 'externalisation' de la fonction.
J'ai donc opté pour un circuit intégré de chez Rohm, le BD6210.

Ficher technique partielle du constructeur.

Ce circuit se présente en boitier SOP8 que j'ai placé sur un circuit imprimé prévu à cet effet provenant de chez SparkFun. Le tout, collé à l'aide d'un double face 'puissant', directement sur la partie fixe du tiroir CD.

L'alimentation (rouge et noir) et la commande du moteur (bleu et jaune).

De la même façon, j'ai 'tiré' des fils d'alimentation et de commande du moteur depuis la carte principale après avoir trouvé, sans grande difficulté, les 'points' de commande du sens du moteur à proximité de l'emplacement des transistors d'origine.

Du double face est utilisé pour solidariser les fils.
Je raccorderai définitivement ces fils avec ceux du tiroir CD lors du remontage final de la machine.

Les tests réalisés en raccordant tous ces brins sans les souder ont été concluants. Le tiroir fonctionne de nouveau normalement.
Avant le remontage final, j'en profite pour changer quelques condensateurs chimiques qui ont fuit, dont certains corrodant largement certaines pistes du circuit imprimé. J'avais constaté lors du test de la partie processeur que la machine souffrait de soudures plus ou moins bien réalisées.

Lors du changement des condensateurs, il m'est arrivé un 'évènement' auquel je n'avais encore jamais été confronté. Lors de la manipulation de la carte, j'entends le bruit de quelque chose qui tombe sur ma table de travail. Je constate que c'est un condensateur chimique cms. Je précise qu'à ce moment de la manipulation, tous les condensateurs que j'avais changé étaient correctement soudés sur la carte. En investiguant l'ensemble du circuit, je constate que c'est un composant placé sous le module DAC qui s'est 'décollé' du circuit imprimé. Et force est de constater qu'il était bien collé et non pas soudé, sans doute par le flux de soudure et non pas par la soudure elle-même!!!

Étonnant non?

Dès lors que tous les condensateurs à problèmes potentiels sont changés, j'effectue un dernier test de la machine avant remontage. C'est alors que s'engage entre ce lecteur CD et moi, une relation très très compliquée!!!

Le début des VRAIS problèmes!

Le lecteur montre de nouveau des signes de fonctionnement pour le moins... instables. Par moment le panneau de commande plante, ne répondant plus aux sollicitations des touches, à d'autres moments, le lecteur ne démarre plus mais fait de nouveau clignoter la LED et le rétroéclairage de l'afficheur ET, cerise sur le gâteau, fait sortir et rentrer le plateau CD de façon aléatoire, continuelle et vraiment TRÈS agaçante!
Je me demande même si ça n'est pas ce phénomène qui a conduit les précédentes personnes étant intervenues à l'intérieur de cet appareil à avoir dessoudé les transistors de commande du plateau.
Je sais que la n'est pas le problème mais qu'il s'agit encore de signaux défectueux concernant le processeur.
Ce dernier possède plusieurs modes de fonctionnement. Dans le lecteur, il est utilisé en mode 'microcontrôleur' MAIS avec mémoire ROM externe. Si le processeur plante, et en supposant que les composants ne soient pas défectueux, il ne reste plus qu'à soupçonner les liaisons entre le processeur et la ROM.
Me voilà de nouveau reparti en investigation à l'aide de l'oscilloscope. Je finis par en conclure qu'il y a un problème de sélection de la mémoire morte. Et effectivement, en testant la continuité du signal de sélection du boitier ROM vers la sortie du circuit intégré dont il émane, je constate une impédance non négligeable, de l'ordre de la centaine d'Ohm. Je soupçonne une piste défectueuse sur le circuit imprimé mais ayant son origine sous le circuit logique générant le signal de sélection, je me contente de 'ponter' le signal à l'aide d'un morceau de fil de wrapping.

Ce circuit positionne l'accès à la ROM suivant plusieurs signaux du processeur.

Et ça fonctionne! Tellement bien qu'au bout d'un certain nombre de jours de test, je me décide à remonter le lecteur.

Hélas, quelques semaines plus tard, le dysfonctionnement recommence, de la même façon : fonctionnement erratique et démarrage parfois aléatoire de la machine.

Cette fois cependant, à la faveur de ce que j'ai pu détecter comme problèmes autour du circuit intégré 'générateur de signaux' de sélection de la ROM et, en ajoutant que dès le départ c'est lorsque j'appuyais avec le doigt du côté de ce composant que la machine fonctionnait, je me décide à retirer ce composant du circuit imprimé parce que j'ai acquis la quasi certitude que c'est la que se situe depuis le départ, une partie importante des problèmes de cette machine.

La surprise du chef!!!
Mais quelle est donc cette substance noirâtre présente sous le circuit?
Un petit coup de nettoyage avec un coton tige...

Cela ne ressemble pas du tout à du résidu de soudage...

Je ne sais pas qu'elle est cette substance. J'en suis réduit à émettre des suppositions. En effet, dès la première ouverture du boitier de ce lecteur, j'avais été 'agréablement' surpris par une bonne odeur parfumée. Odeur bien éloignée de celle devant émaner d'un tel appareil de presque 20 ans d'âge. Je ne m'étais pas inquiété outre mesure de cette effluve. Et, de la façon dont est construit le boitier, je ne vois pas bien comment une substance telle que du parfum aurait pu se loger à cet endroit. A moins que lors de la toute première intervention...

Par contre, les dégâts infligés au circuit imprimé sous ce circuit intégré sont bien réels et tout à fait dramatiques pour le fonctionnement de la partie processeur :

Agrandir l'image pour constater les dégâts.

Dans le cercle bleu, une piste du circuit imprimé correspondant à la connection d'une des pattes du circuit intégré a complètement disparu. D’où l'amélioration constatée lors du premier pontage à l'aide d'un fil de cette patte du circuit vers la broche de sélection de la ROM.
Dans le cercle rouge, un via quasiment dissous par cette substance noire. Le contact avec l'autre face du circuit imprimé et l'autre patte du circuit intégré ne se faisant quasiment plus!

A la place du circuit intégré d'origine, j'ai donc ressoudé un circuit neuf (par précaution) et ai mis en place non plus une connection filaire, mais les deux nécessaires au bon fonctionnement de cette partie logique.



Et puis j'ai remonté la machine en laissant ces fils de la sorte sans même les coller. Inutile, l'ensemble est protégé par la partie mécanique. Depuis lors, ce lecteur CD fonctionne absolument sans problème ce qui me permet de penser avoir détecté et résolu le problème le plus important de ce Cyrus.

Conclusion : une telle construction de machine pouvait peut-être se justifier à l'époque (début des années 90) mais aujourd'hui, cela semble réellement incongru. Financer un temps de développement de carte contrôleur pour optique de lecture CD alors que des bundles mécanique/commande électronique existent. Mais sans doute pas dans un format permettant d'être inséré dans un boitier à la mode Cyrus. Et finalement, c'est la que réside pour moi, une grande partie de l'attrait de l'appareil. C'est du grand art, de l'orfèvrerie électronique qu'il eut été vraiment dommage de laisser partir à la poubelle.

Quelques problèmes de construction ont grevé la durée de vie de l'appareil (la soudure au bain sans doute pas très bien réalisée), mais presque vingt ans de fonctionnement est déjà tout à fait remarquable. Je remarque aussi que ces condensateurs chimiques en version cms sont véritablement une plaie. Ils ont tendance à fuire, surtout comme c'est le cas ici, quand la machine est constamment en fonctionnement.

Parce que question développement durable, ce lecteur n'est vraiment pas top. Le placer en mode veille consiste tout simplement à éteindre l'affichage, et encore, de façon logique. Toute la machine reste en permanence allumée. Aucun relais ou transistor de puissance n'est la pour couper l'alimentation des parties inutiles en mode veille. Se faisant, la durée de vie des condensateurs, composants les plus fragiles, s'en trouve considérablement réduite inutilement. Quant à la facture électrique...

Le Dac Q7 de ce lecteur fourni un son et retranscrit une ambiance très agréable, particulièrement sur du Jazz. La mécanique est silencieuse en fonctionnement. Le vendeur à eu la bonne idée de se procurer une télécommande avant la mise en vente de l'appareil. Je l'ai associé à une alimentation PSX Cyrus acquise pour 50€ en panne. Juste pour le côté esthétique de la chose. L'alimentation interne au lecteur étant largement suffisante.

Et dans la série 'les petites faiblesses du matériel Mission', cette alimentation PSX se mettait en défaut au bout d'un certain temps : le régulateur 5V générant la tension nécessaire à la partie commande de cette alimentation chauffait et finissait par déclencher sa protection thermique interne. J'ai donc changé ce circuit et l'ai coiffé d'un petit radiateur. Depuis tout va bien, même après des jours de veille (parce que cette alimentation, comme le lecteur CD, ne se coupe jamais même en mode veille!!!).

Quant au cout de réparation de ces deux matériels en composants? Une dizaine d'Euros, parce que j'ai changé les gros condensateurs de la partie alimentation du lecteur CD. Par contre, j'y ai passé un certain nombre d'heures justifiant largement les 300 à 400€ d'un DAD3 actuellement fonctionnel.

Du joli matériel reparti pour un bon moment.... Du patrimoine électronique conservé... De la matière grise et des ressources naturelles non gaspillées... Quoi de mieux!


5 commentaires:

  1. Bravo!
    justement je me pose la question d'acheter d'occasion un Cyrus cd6 pour 200€ mais n'étant pas du tout électronicien , je m’interroge sur la pertinence d'acheter un matériel d'au moins une dizaine d'années
    Peut être la marque le vaut elle?

    Cordialement

    Yves

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    1. Bonjour,

      Il est difficile de répondre à votre question. Dans l'absolu non, il n'est pas intéressant d'acheter un matériel électronique âgé d'une dizaine d'année. La raison principale est que ces matériels ne sont JAMAIS fabriqués pour durer. J'évoque ici uniquement l'aspect fiabilité.

      Cependant j'ai pu constater, d'après mes interventions sur différents matériels Cyrus, que ceux-ci sont plutôt bien étudiés et bien construits. Il s'agit donc de 'vrais' systèmes et non pas d’ersatz bas de gamme de marque grand public. Voici donc un premier argument objectif en faveur de ce type d'appareil.

      Niveau qualité sonore, je n'en sais pas plus sur le CD6. Je n'en ai jamais eu et ne sais pas quels sont les composants audio utilisés. Tout juste ais-je réussi à déterminer que ce lecteur 'semble' être équipé de convertisseurs 24bits et 'serait' capable de lire le format HDCD, format obsolète depuis longtemps mais qui suppose la présence d'un filtre de type Pacific Microsonics. J'imagine que le rendu sonore doit être plus que correct. Mais en ce qui me concerne, j'ai revendu un lecteur de marque Rotel, équipé du filtre Pacific Microsonics car l'ayant jugé trop 'froid' à mon goût malgré différentes combinaisons d'amplificateurs et d'enceintes. Un deuxième argument favorable, bien que très subjectif.

      Enfin un dernier argument favorable, lui aussi subjectif : le design. On aime, ou pas. J'apprécie ce caractère non standard de la gamme Cyrus.

      Maintenant l'argument négatif : la fiabilité. De ce que j'ai pu constater, ces appareils imposent l'utilisation de condensateurs chimiques au format CMS. L'expérience de dépannage de divers types de matériels électroniques m'a amenée à constater que si ceux-ci ne sont pas d'extrême qualité, ils sèchent ou fuient au bout de quelques années, entraînant divers désordres plus ou moins détectables lorsque la machine se met à 'planter'. De plus, il se peut que le processus de réalisation des cartes électroniques ne se soit pas déroulé correctement, ce qui fût aussi le cas du lecteur sujet de cet article, entraînant d'autres types de problèmes.

      En conclusion, si le CD6 vous intéresse et s'il est fonctionnel, à 200€ n'hésitez pas à l'essayer. Si son écoute vous déçoit, revendez-le. Dans le cas contraire, sachez qu'en cas de problème il sera impossible de le dépanner car il vous en coûterait bien plus que son prix d'achat. En règle générale, ne jamais espérer pouvoir dépanner ce type de machine si sa valeur résiduelle est inférieur à un millier d'Euros. Le système économique de la France ne le permet pas. Et je n'évoque bien évidemment pas la disponibilité de personnes en mesure de dépanner de tels matériels en France...

      Bien cordialement

      Eric


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  2. Bonjour et merci beaucoup pour votre réponse, extrêmement développée.
    J'ai formulé une question au vendeur sur son appréciation de durée de vie de son matériel et de son état (signes ou pas de manque de fiabilité). j'attends sa réponse ,je verrai si elle m'accrochera ou pas.
    De plus je suis à 700km de l'appareil, donc écoute non possible.

    De fait je recherchais un lecteur CD, pas forcément de ce niveau de qualité mais surtout parce qu'il est compact et qu'il ne me reste que peu de place à coté de mon ampli (un marantz Ki pearl lite) ce n'est pas du matériel haut de gamme, mais il permet d'être relativement polyvalent. (les enceintes sont de fabrication maison)

    je n'ai vu sur le marché dans une gamme de prix d'environ 300€ que 2 appareils un Teac PD H01 et un Cambridge Sonata CD30

    Bonne continuation
    et merci encore

    Yves




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  3. La marque Cyrus est une très bonne marque, qui mérité d'etre réparé. Mes amplis Cyrus sont entretenu par mon reparateur hifi

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    1. Absolument Jean-Marie...
      Et par la même occasion, publicité gratuite pour A.R.T.V. Bordeaux ;-)

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